Propos recueillis par Morgan Couturier
Emmanuel Macron ayant annoncé une impossible réouverture des stations de ski pour les fêtes de fin d’année, Megève, comme beaucoup d’autres stations, se retrouve privée de toutes activités à l’occasion d’une période habituellement faste. Encore sous le choc de l’allocution présidentielle, la maire Catherine Jullien-Brèches nous fait part de son incompréhension, en exclusivité.
Megève People : Dans son allocution, le Président de la République a annoncé qu’il « était impossible d’envisager une ouverture pour les fêtes ». Quel a été votre sentiment en écoutant ses propos ?
CJB : Ce fut un mélange d’incohérence et d’incompréhension, dans la mesure où depuis une quinzaine de jours, les trois préfets du massif, Isère, Haute-Savoie et Savoie, s’étaient engagés à travailler sur un protocole sanitaire, censé permettre une ouverture possible des stations de sports d’hiver. Bien entendu, cela devait dépendre de la capacité hospitalière. Le protocole sanitaire devait être un protocole unique pour toutes les stations, de façon à accueillir notre clientèle dans les meilleures conditions possibles. Malheureusement, nous avons vraiment eu l’impression qu’on nous claquait la porte au nez, en nous disant que l’ouverture des stations n’était pas possible pour la période de Noël.
Une concertation a préalablement été menée avec les élus locaux. Qu’aviez-vous retiré de cette réunion ?
Lors de ces entretiens avec les représentants des stations de sports d’hiver, un espoir avait été donné. On espérait voir la situation s’améliorer dans les dix jours à venir. Malheureusement, tout s’est fermé avec l’annonce du président. La situation est dramatique pour l’économie de nos stations et pour l’économie de la France. Les retombées sont locales, mais aussi nationales.
À l’issue de cette même concertation, le Premier Ministre Jean Castex semblait optimiste. Vous a-t-on mené en bateau ?
Le discours que j’ai toujours entendu, c’est que l’ouverture des stations se ferait au regard de la capacité hospitalière. Tout un travail a été fait pour rien ! L’annonce d’Emmanuel Macron a complètement remis en cause l’espoir qui nous avait été donné en travaillant sur ce protocole sanitaire.
Le chef de l’Etat privilégie une « réouverture en janvier, dans de bonnes conditions ». A l’écouter, on a l’impression que les stations n’avaient pas pris les mesures nécessaires pour accueillir convenablement du public ?
Je ne suis pas d’accord ! Il y a ce protocole sanitaire qui avait été préparé. A Megève, il y a eu une forte fréquentation sur le village cet été. On avait imposé le port du masque début août, et ça nous avait permis de passer une saison d’été tout à fait sereine et ce, sans générer de clusters.
« Nous avons l’impression d’être un peu trahis »
Il y a une semaine, Elisabeth Borne a encouragé le recrutement de saisonniers. Cela ne semble-t-il pas illogique ?
C’est ce que je vous dis, par rapport, à tout ce travail qui a été fait en amont, avec ce protocole sanitaire qui était en place, où l’on travaillait sur des conditions d’ouverture optimales au niveau sécurité sanitaire. Pas plus tard que la semaine dernière, Elisabeth Borne nous disait qu’il fallait embaucher des saisonniers, quitte à les mettre au chômage derrière. Bon ça, je n’ai jamais vu qu’on embauchait des gens pour les mettre au chômage, mais soit, en nous donnant l’espoir d’embaucher, il y avait une possibilité qui s’ouvrait à nous et qui était potentiellement réalisable.
On vous aurait donc menti ?
Le discours qui a toujours été tenu, je le répète, c’était la capacité hospitalière. Aujourd’hui, les hôpitaux sont encore engorgés par des cas de covid19, auxquels il faut ajouter toute la traumatologie sportive. Mais dans toutes les différentes visioconférences que j’ai entendues, dont celle de vendredi soir dernier, il avait été dit que l’on trouverait un protocole d’accord avec les cliniques privées, pour qu’elles puissent absorber des patients potentiels, et désengorger les hôpitaux. Le travail a été fait pour nous permettre d’avoir un espoir d’ouverture. Nous avons l’impression d’être un peu trahis.
Combien de saisonniers la station de Megève accueille-t-elle en temps normal ?
Sur l’arc alpin, c’est 59 000 emplois de saisonniers. A Megève, nous sommes autour de 1600.
Le gouvernement a justifié sa décision en évoquant une coordination européenne. Mais nos principaux concurrents, la Suisse et l’Autriche, vont ouvrir leurs stations. Comment expliquer un tel décalage ?
Ce décalage va ponctionner une potentielle clientèle qui pourrait venir chez nous et nous priver d’une part importante de nos recettes. L’Italie ferme ses stations, la Suisse ouvre, il y a des contradictions.
Où se trouve la fameuse coordination européenne évoquée par Emmanuel Macron ?
Elle n’existe pas ! Peu de temps avant son annonce, l’Italie a annoncé qu’elle fermait totalement ses stations, alors est ce qu’il s’est appuyé là-dessus, en pensant qu’il y aurait une coordination avec les autres stations et les autres pays, je ne sais pas. Mais la Suisse, et l’Autriche ne suivent pas.
La compagnie du Mont-Blanc déclare avoir accueilli sans problème plus de 2,3 millions de personnes cet été. Avec un déconfinement progressif, des randonnées étendues à 20 kilomètres, Megève peut-elle imaginer une saison hivernale organisée sur le même modèle ?
Si on limite à 20 kilomètres, c’est qu’ils ne permettent pas le transfert d’une région à l’autre.
La mise en lumière du sapin reprogrammée au 18 décembre
Vous aviez planché sur un programme d’animations assez chargé, en concertation avec Megève Tourisme. Peut-on espérer le maintien de certaines d’entre elles ?
Le problème, c’est que nous sommes sur des animations, où beaucoup d’entre elles, avaient déjà été annulées. Je pense notamment à la Winter Golf. On repart sur ce que l’on a fait cet été, avec des thématiques différentes. On va les maintenir dans la mesure du possible. Il y a toutes les animations de ski de randonnée, de raquettes, qui vont pouvoir se répandre et se maintenir sur le territoire. Mais il est difficile aujourd’hui de parler de randonnées et de balades en montagne quand on vous dit que les remontées mécaniques ne pourront pas fonctionner.
Le lancement de la saison autour du sapin aura-t-il lieu ?
Non ! Il n’est pas possible de générer un rassemblement de 5000 personnes, alors qu’aujourd’hui, on nous autorise un regroupement que de six personnes sur la place publique. L’illumination du sapin, le lancement de la saison avec le premier week-end de décembre, c’est annulé ! Il y aura une mise en lumière du sapin, qui se fera à partir du 18 décembre !
Megève a déjà vécu cet été sans touristes étrangers. Comment la station peut-elle survivre à une fermeture des pistes en décembre ?
Je vous l’ai dit, pour nous, c’est un drame total ! Beaucoup de socioprofessionnels m’appellent pour se positionner, se donner un temps de réflexion sur les conditions d’exploitation des hôtels. Comment voulez-vous accueillir une clientèle avec un room service et dans des chambres qui ne sont pas forcément adaptées ? Ils sont également contraints à ne pas ouvrir les piscines, donc le service est dégradé. Il y a de gros doutes et de gros questionnements par rapport à certains hébergeurs sur une potentielle ouverture pour les vacances de Noël.
« Un très lourd tribut pour les commerces de la station »
La station de Saint Gervais dit être prête à accueillir ses touristes et résidents secondaires dès le 15 décembre. En est-il de même à Megève ?
On sera là ! On sait, du moins on l’espère, que nos résidents secondaires, auront envie de se remettre dans de grands espaces aérés et ouverts (rires) ! D’ordinaire, beaucoup d’entre eux viennent passer les fêtes de Noël ici. Donc nous les attendons, comme on attend la clientèle qui a envie de se ressourcer dans les montagnes. Nos portes sont grandes ouvertes, malgré un service qui ne sera pas celui que nous avons l’habitude d’offrir ! On compensera, et on essayera de trouver tout ce qui pourra potentiellement leur être agréable.
Les commerces, mêmes rouverts, et les hôtels vont voir leurs activités fortement impactées. Peut-on imaginer des aides de la mairie à leur endroit ?
L’aide de la mairie, nous l’avons déjà faite. Nous sommes propriétaires des locaux commerciaux, et les commerçants normalement ouverts, ont eu une exonération pendant la première période de confinement. On a validé l’exonération des deux tiers de la Cotisation Foncière des Entreprises (CFE) pour l’année 2020. Depuis le début du confinement, on a aussi fait une exonération du domaine public, et ce, jusqu’au 1er décembre. Voilà les démarches que la collectivité a pu faire auprès des socioprofessionnels.
Malgré tout, vous semblez pessimiste…
Effectivement, même avec cette autorisation d’ouvrir les commerces, je pense que les commerces mégevans vont être impactés par la fermeture des restaurants. Ici, c’est un tout. On vient à Megève, on se promène dans le village, on fait du shopping et après, on va s’offrir un petit apéritif, un repas. C’est un circuit qui fait le charme d’un séjour à Megève. Je pense qu’au regard de la fréquentation qui sera sûrement moins importante qu’en temps normal, l’impact économique va être très difficile à absorber. Ça va être un très lourd tribut pour tous les commerces de la station.
Vous payez ici la politique de Megève des dernières décennies. Tout comme Chamonix, Morzine, Les Gets, Saint-Gervais d’une certaine manière, vous avez voulu baser votre économie sur la bourgeoisie qui vient dans sa résidence secondaire. Vous avez délaissé la population locale, la jeunesse qui pourrait venir s’installer, au profit des riches étrangers qui se fichent complètement de l’économie, de la protection des Alpes, ne souhaitant pas y vivre. Voilà où cela vous mène. Ils sont beaux vos chalets coûtant des millions d’euros lorsqu’ils sont vide !
Voilà où mène l’appât du gain. Plutôt que d’avoir une ville accessible à tous, présente numériquement, ouverte aux jeunes, vivant ainsi de janvier à décembre, vous avez choisi d’installer des commerces de luxes, de laisser le tarif de l’immobilier s’envoler, et de plier devant les grosses fortunes. Vous ne pouvez vous en prendre qu’à vous même.
Le Covid n’est qu’un prémisse de ce qui va se produire. Le réchauffement climatique, l’épuisement des ressources, ce n’est pas lointain, c’est très bientôt. Les villes et villages qui ont basés leur survie sur la saison hivernale et les touristes fortunés s’en mordront les doigts.
tout à faire d’accord. 10 ans que l’on ‘était pas vu à Megève, quelle déception! Où sont passés la boucherie le charcutier le fromager la droguerie?????? ce n’est plus un village
Galeries d’art, agences immobilières; magasins de luxe et chalets vides…. Le village ne vit que par les étrangers, les touristes? que pendant les vacances? et les locaux sont partis? Dur dur pour l’économie, le respect de la montagne, on s’entasse à Megève…..problèmes en vue
Totalement, et ils ne le reconnaitront jamais. Pour eux, c’est normal de ne vivre que du luxe !
Mais quand on aura épuisé les ressources de la montagne, quand on ne pourra plus vivre autant du ski, quand le réchauffement climatique aura complètement changé le modèle économique des montagnes, que fera Megève ?
Megève comptera ses chalets vides, ses hôtels de luxe délaissées, ses commerces bourgeois abandonnés. Et Megève dira « Mais comment on aurait pu le savoir ? ».