Photo © ODT Megève
Par Benjamin Lacroix
Moniteur de ski à Megève, l’anglais Simon Butler exerce dans la station depuis une quinzaine d’années. Problème, son diplôme n’est pas reconnu en France et la justice ne lui lâche pas les après-skis. Explications.
Depuis dix ans, son parcours judiciaire ressemble à une épreuve de ski de fond. Condamné en 2004 et 2013, Simon Butler va retrouver les bancs du tribunal correctionnel de Bonneville le 7 avril. L’homme est poursuivi pour « enseignement du ski par personne non qualifiée », « emploi de personnes non qualifiées pour enseigner le ski » et « défaut de déclaration de détachement en France de salariés. » Simon encourt un an d’emprisonnement et 15.000 euros d’amende. Gérant d’un tour opérateur de 28 employés, il propose des séjours et des cours de ski aux Britanniques.
Simon et ses moniteurs sont titulaires des diplômes délivrés par l’association britannique des moniteurs de sports de neige (BASI). Mais ces qualifications ne sont pas reconnues en France, au contraire de ceux délivrés par l’École du Ski Français (ESF). Le moniteur n’a jamais passé ses équivalences. Dans le collimateur de la justice, il a été interpellé et placé en garde à vue le 18 février dernier avec deux de ses moniteurs. Une arrestation dans des conditions « terribles et exagérément maladroites » et un traitement « de la même manière qu’un criminel », détaille-t-il auprès de l’AFP.
Dans un article consacré à « l’affaire » sur son site internet, Le Figaro détaille la position du moniteur britannique, qui estime que la France ne respecte pas la loi européenne de liberté de circulation des travailleurs et de la liberté d’établissement. « Le problème de Simon Butler est qu’il ne respecte pas la loi: il n’a pas les qualifications pour enseigner le ski en France. Or nous devons défendre la sécurité et la réglementation de la profession pour des raisons évidentes de crédit et de garanties pour les pratiquants du ski », recadre Jean-Marc Simon, directeur du Syndicat national des moniteurs du ski français, cité par le quotidien.
« On ne refait pas la guerre de Cent Ans ! »
Le procureur de la République de Bonneville, Pierre-Yves Michau, ne s’explique pas les motivations de Simon. « Il refuse de se conformer à la législation française, mais je lui dis depuis 10 ans, il suffit de le faire pour ne plus entendre parler de la justice », explique-t-il. Outre-Manche, le moniteur agite le chiffon rouge diplomatique. A telle enseigne que le truculent maire de Londres, Boris Johnson a pris fait et cause pour Simon et dénonce cette volonté « totale, non dissimulée et honteuse de la part des Français de bafouer les principes du marché unique européen. » « Il n’y a aucun protectionnisme. On ne refait pas la guerre de Cent Ans, on tente juste de régler un cas individuel qui, j’espère, ne durera pas aussi longtemps » , réplique le procureur.
Simon pointe la corporation qui ne voudrait pas de « concurrence » sur les pistes. L’ESF est effectivement partie civile dans ce procès, mais ne réclame qu’un euro de dommages et intérêts à titre symbolique. « Quel sentiment ont nos jeunes moniteurs français qui doivent travailler dur pour se qualifier, face à quelqu’un qui fait fructifier son business sans avoir les compétences exigées », s’interroge Jean-Marc Simon, qui reconnaît qu’une « concurrence déloyale existe bien. » En 2004, le tribunal correctionnel de Bonneville avait condamné Simon Butler à 10.000 euros d’amende. En 2013, il avait été condamné à six mois de prison ferme et 10.000 euros d’amende, mais avait fait appel de la décision.
Le Britannique se dit « très confiant » en l’issue du procès du 7 avril prochain. « Si je perds ce procès et si je ne peux pas rester travailler en France, j’emmènerai ma centaine de clients par semaine en Suisse », explique-t-il.