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Par Aymeric Engelhard
Le blizzard souffle sur les montagnes du Wyoming. Il contraint plusieurs personnalités douteuses à s’abriter ensemble dans une petite mercerie. Parmi eux, un chasseur de primes accompagné d’une mécréante qu’il compte bien mener à la potence.
Mais voilà, rapidement des doutes naissent, les langues se délient et il semblerait qu’un complice de la future pendue soit parmi eux. Reste à savoir qui. C’est à une sorte d’enquête à la Agatha Christie que nous convie Quentin Tarantino pour son huitième film. Avec Samuel L. Jackson en Hercule Poirot. Sur près de trois heures, le cinéaste déroule une intrigue sentant atrocement la mort, les personnages étant plutôt de nature à jouer du six-coups. Il s’amuse, jonglant joyeusement entre longs dialogues aiguisés et violence exacerbée. Ses personnages sont de glorieuses têtes de mule voués à se rentrer dedans. Et c’est purement jouissif.
Les tout premiers instants du film suffisent pour savoir que les trois prochaines heures vont être grandioses. Un paysage sauvage et immaculé se dévoile au son du blizzard. D’emblée l’image du film frappe la rétine. L’Ultra Panavision 70. Un format de pellicule très long, trop même pour les écrans de cinéma classiques. Une manière de sublimer les panoramas et de rendre hommage à tous ces grands films qui l’utilisèrent auparavant et dont les photogrammes restent instantanément en mémoire (de « Lawrence d’Arabie » à « 2001 L’Odyssée de l’Espace » en passant par « West Side Story »). Puis le titre apparaît. Le souffle du blizzard est remplacé par les premières notes d’une bande originale qui fait très mal. L’immense Ennio Morricone signe un retour fracassant au genre qui a fait de lui le mythe qu’il est aujourd’hui. Son score grimpe, accompagnant un plan servant de générique où une statue de Jésus sur la croix au premier plan laisse peu à peu sa place dans le cadre à la diligence dans laquelle certains des « salopards » du titre voyagent. Une somptueuse manière de les envoyer à la mort.
Mais cette « mort » n’arrivera que dans les dernières bobines. Et certains trouveront à se plaindre d’un film qui n’avance que par ses dialogues. Et c’est globalement vrai. Mais comment rechigner face à une telle maîtrise des mots, une phrase gratuite en début de métrage en appelant en fait une autre avec beaucoup plus de sens plus tard. Tarantino est un pianiste, les mots remplaçant les touches. Et sa mise en scène trouvant sa plus fiévreuse originalité en rendant ces dialogues jamais ennuyeux. C’est prodigieux. D’autant plus quand ce sont des calibres comme Kurt Russell, Tim Roth, Jennifer Jason Leigh et surtout un Samuel L. Jackson d’anthologie qui les sortent. Chaque phrase constitue un pas de plus vers un dénouement littéralement apocalyptique, d’une violence sidérante, qui propulse un peu plus le long-métrage vers les sommets. Place que Tarantino n’a cessé d’occuper depuis ses débuts en 1992 et le cultissime « Reservoir Dogs », film certainement le plus proche de ce grand, très grand « Hateful Eight »